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Alice Labor – From the exhibition “Praticare l’Altrove” – MACTE, Termoli – 2024

Una festa invade lo spazio del museo: un profumo di incenso avvolge la sala centrale, una roulotte-carriola, animali invisibili, campane, bamboline, sguardi e oggetti curiosi circondano chi arriva e entra inconsapevolmente a far parte di questo rituale festoso. I lavori invadono lo spazio espositivo quali tracce di un rito occulto, di un corteo, di maschere ed ex voto. Sorella carovana (2019) è una casa mobile con occhi, mani e strane presenze ricamate dall’artista con materie organiche e inorganiche. E’ una casa infestata da amuleti che la proteggono e la rendono viva. Un odore di chiesa e di rituali invisibili permea l’attenzione. E’ una festa di animali umani e non umani; il custode del profumo è infatti un maialino che rimanda alla tradizione, diffusa in tutta Europa, della cura collettiva di questo animale per il sostentamento dei membri di una comunità. Delle campane con forme mostruose pendono dal soffitto, anche loro parte di un rito che cambia forma ogni volta. Di fronte, una serie di bambole in ceramica, decorate come degli ex voto o dei feticci, rappresentano una preghiera o un ringraziamento verso una divinità ignota. Un volto appare all’interno di un piatto antico: sono gli occhi di Santa Lucia, protettrice della vista e simbolo di luce, foglie dorate che custodiscono sogni e visioni invisibili.

L’animismo che caratterizza la pratica e le ricerche di Beatrice Celli emerge in ogni dettaglio di queste presenze fantasmatiche che rievocano altri mondi, altri riti e altre comunità. L’importanza dei rituali per l’artista emerge infatti in questa festa in cui la morte e la superstizione si intrecciano in un unico flusso vitale e diventano occasioni generative e partecipate per la costruzione di nuovi riti condivisi. “I riti e le cerimonie sono azioni umane genuine capaci di far apparire la vita in chiave festosa e magica, mentre la loro scomparsa la dissacra e la profana, rendendola mera sopravvivenza”. Come ricorda il filosofo Byung-Chul Han, le pratiche rituali sono capaci di reincantare il mondo con le loro energie curative ed è proprio in questo reincantamento continuo che si inserisce il lavoro di Celli.


Ninon Duhamel – Made in Local – Artist portrait from her residency “Thankyouforcoming

Le vernaculaire, l’artisanat et les récits qui les entourent ont aussi une place importante dans le travail de Beatrice Celli. Outre le fait d’être italienne et de pratiquer également la céramique, elle s’intéresse, tout comme Salvatore Arancio, à la frontière entre le rationnel et l’irrationnel et construit un univers singulier à partir d’un rapprochement de références, d’images, de gestes et d’histoires hétéroclites. Originaire de Castelli, dans les Abbruzzes, la jeune artiste (née en 1992) développe un travail ancré dans la géographie de sa région natale, montagneuse, verte, forestière, où les traditions populaires entremêlent culture catholique et croyances païennes. Diplômée de la Villa Arson à Nice, elle a également étudié les beaux-arts à l’Académie d’Urbino et s’est formée à la création manuelle aux côtés de sa grand- mère, couturière, et de sa mère, céramiste. Vivant désormais à Marseille, elle réintroduit l’ensemble de ces formations et influences dans un travail prenant des formes variées, fait de matériaux bruts et modestes, entre rusticité et préciosité. Sculptures sur bois, en céramique ou en plâtre, tressages de fleurs et de végétaux séchés, poupées en pâte à sel ou objets confectionnés en couture (rubans, dentelles, perles, tissus)… autant de matières que Beatrice glane autour d’elle de façon intuitive, réutilisant parfois des éléments déjà existants, imprégnés d’un territoire ou d’une histoire particulière. Ainsi en est-il par exemple de la racine de bois sur laquelle repose le hibou de Beffa Notturna (« moquerie nocturne », 2021), sculptée et modelée par l’eau de la rivière de Castelli. Ou bien du Collana per Gigantesse (« Collier pour les géantes », 2023) réalisé à partir d’objets archéologiques, de rebuts et de décorations folkloriques trouvés sur le site historique d’Amendolara, situé en Calabre, dans le sud de l’Italie. Les œuvres de Beatrice Celli ne sont jamais neutres. Dégageant une esthétique forte, les objets qu’elle fabrique sont investis de ses pensées, de ses rêves ou des émotions qu’elle ressent au moment de leur production. C’est le cas des Cloches (2019), étranges sculptures en céramique émaillée aux couleurs pastels, dont les silhouettes mi-animales mi- végétales intriguent tout autant qu’elles inquiètent. À raison, car elles ont été « chargées » au moment de leur façonnage, de mauvais esprits et de pensées négatives qui, si nous sonnons les cloches, risquent de s’en évader. Compilant des souvenirs d’enfance désagréables et des ressentis angoissants, celles- ci en deviennent alors l’allégorie, renfermant un univers monstrueux, bestial, où la mort et le cauchemardesque ne semblent jamais très loin. « L’histoire de ces objets exerce, je crois, sa propre force d’attraction sur la façon dont on perçoit et ressent l’œuvre. J’ai souvent l’impression d’être dépassée par le processus de création de mes œuvres, comme si ce n’était pas moi qui les avait réalisées, ou du moins pas seulement moi. »5

S’intéressant à l’anthropologie, aux cultures populaires, à la religion et à l’ésotérisme, Beatrice Celli explore et questionne la dimension spirituelle, animiste ou magique des choses. Au gré de ses déplacements, elle s’inspire des légendes et rituels qu’elle découvre, les mêlant ensuite à d’autres gestes, savoirs et savoir-faire dont elle a hérité ou qu’elle a récolté ailleurs. L’œuvre Grascia Corna (« cornes d’abondance », 2021) met en exergue ce nouveau syncrétisme que l’artiste compose. Se présentant comme une installation de sculptures suspendues en forme de cornes et d’où s’échappent des murmures peu compréhensibles, elle fait référence à l’Užkalbėtojai, une tradition lituanienne ancestrale remontant au Moyen âge qui consiste à soigner, par le chuchotement. Recouvertes d’un mélange de paprika, de mousse végétale, de menthe, de feuilles
séchées et de pièces de centimes enchantées6, ces sculptures combinent odeurs, textures et sons pour nous solliciter par la voie du sensible. Les paroles qui en émanent, à peine intelligibles, se situent au delà du langage : superposant des bribes de chants lituaniens traditionnels à des formules magiques récitées à voix basse, l’artiste créé une glossolalie d’un nouveau genre, entre la poésie, la prière et l’incantation. Semblant nous inviter à faire un vœu ou à leur confier un secret, ces cornes d’abondance prennent alors des allures d’ex-voto, telles les reliques d’un culte contemporain inventé. À l’image de cette installation, certaines des œuvres de Beatrice possèdent une dimension apotropaïque7, comme s’il s’agissait de créer des objets protecteurs, guérisseurs ou cathartiques – pour qui souhaite les investir de la sorte. Une fonction que l’on retrouve avec le Pavillon Lunatique (2021), petit confessionnal sculpté en bois sombre où l’on pourrait imaginer se délester de quelques péchés, angoisses ou pulsions refoulées. Pourrait-on voir dans la ribambelle de créatures étranges, figurées en bas-relief sur ses parois, un petit cortège de monstres grotesques venus pour nous accompagner dans l’au-delà… ? Entrecroisant des éléments provenant de cultures différentes, Beatrice Celli invente ainsi un nouveau folklore – le sien – où l’occulte cohabite avec le religieux, les beaux-arts avec l’artisanat, le mysticisme avec le rationnel. Chez elle, les animaux, les chimères, les saints et le diable se côtoient et deviennent les personnages d’un carnaval baroque, sorte de mythologie réinventée à partir d’une digestion toute personnelle de récits, de légendes et d’influences diverses. Et voici La Fête Macabracadabra ! Comme dans les contes pour enfants, son travail allie souvent le trivial, le festif et le magique : une guirlande de piment, un bavoir dentelé d’épines, une brouette- caravane brodée de perles, un cochon fumant tel un encensoir d’église, des poupées aux airs maléfiques…

Une myriade d’objets loufoques que l’artiste rassemble au sein d’installations énigmatiques, fonctionnant comme une fenêtre ouverte vers l’imaginaire. Gardant souvent leur mystère, les œuvres de Beatrice permettent une multiplicité de lectures, et invitent chacun.e à participer avec son imagination, à inventer sa propre interprétation. Sans aller jusqu’à jouer le rôle d’une conteuse, elle plante néanmoins le décor d’une « proto-histoire », comme si elle cherchait simplement à susciter la narration à un stade liminaire, endormi. Sa série de Piatti, assiettes en céramique peintes à la mode de Castelli, en est l’illustration. Dans la lignée des « assiettes parlantes » du 19ème siècle, ces plats figurent, dans une esthétique volontairement naïve, un entremêlement de formes, de couleurs et de personnages inspirés des contes et légendes de sa région natale – le tout « mélangé et brassé dans un grand chaudron »8. Mais quelque chose reste muet et obscur. Car ce ne sont pas tout à fait des récits que Beatrice souhaite transmettre, mais plutôt des énergies, des indices, des fragments, qui en résumeraient l’essence de façon sensible et visuelle, sans passer par le langage. Par un vocabulaire plastique bien à elle, Beatrice Celli s’émancipe des traditions et des mémoires dont elle s’inspire pourtant, pour se créer un espace d’indépendance. S’intéresser aux particularismes, aux cultures vernaculaires et à la diversité des systèmes de pensée, est pour elle une façon d’échapper à l’idée de « centre » et d’homogénéité. Ne se plaçant ni dans une continuité, ni dans une opposition, et en dehors de tout dogmatisme, elle nous invite simplement à considérer la possible existence de points de vue alternatifs ou négligés, qui peuvent enrichir notre vision du monde actuel.

5 Propos de l’artiste in Le jardin des allégories, entretien avec Eric Mangion, livret d’exposition, Villa Arson, Nice, 2021.
6 Les pièces ont été l’objet d’un rituel magique, découvert par l’artiste lors de ses recherches au Musée du diable à Kaunas, en Lituanie. Associé à l’argent, à la luxure et au vice, le diable a le pouvoir d’enchanter la monnaie. Pour cela : faire un trou dans la terre, y mettre une pièce, répéter la formule magique puis récupérer la pièce permet de s’attirer la richesse et l’abondance. 7 Qui vise à conjurer le mauvais sort et à détourner les influences maléfiques. 88 « Le petit diable qui habite dans mon armoire », carte blanche pour le catalogue de l’exposition Rocambole, commissariat Claire Migraine, hôtel La Vague saint Paul de Vence, 2022, p.15.



Nice Rendez-vous, publié le 20.10.2021 “La Villa Arson présente l’expostion “Le Jardin des allégories” de l’artiste Beatrice Celli qui investi l’allée des fougères avec son univers animiste et fantasmagorique.

Bénéficiaire durant l’été 2021 de la résidence ACROSS #31 portée par thankyouforcoming, l’artiste italienne Beatrice Celli, native des Abruzzes, est une ancienne élève de la Villa Arson (diplômée en 2019). Cette résidence s’inscrivait dans le programme croisé « DeMo » de Kaunas Artists’ House (Lituanie), dans le cadre du label « Kaunas – Capitale européenne de la culture 2022 ». Tout semble couler de source chez cette jeune artiste qui s’inspire aussi bien de sa région d’origine, plutôt pastorale où les traditions religieuses et les croyances ancestrales sont encore très vivaces que de sa rencontre en Lituanie avec une culture traditionnelle et populaire très vivante et même avec une authentique « sorcière » qui soigne avec les murmures. Elle crée un univers fait de créatures étranges, d’objets qui sont des croisements entre religion et nature comme le pavillon de jardin conçu comme un confessionnal cosmique, une fontaine décorée d’un bestiaire fantastique ou d’un mémento mori (en latin souviens-toi que tu vas mourir) en forme de guirlande. On se croit dans le Songe d’une Nuit d’été, dans une forêt magique dont tous les objets nous intriguent, nous émerveillent. Animaux métamorphosés en cloches, cabane de jardin en confessionnal, étranges cornes d’abondance. Contes fantastiques, légendes, mythes, Beatrice Celli embrace ces univers du merveilleux avec des matériaux de récupération qu’elle sculpte, assemble, réinterprète. Elle nous invite à la suivre loin de notre univers régulé, normé, surveillé en nous glissant dans un faille spatio-temporelle qu’elle imagine dans l’allée des fougères. On se perd dans son monde qui laisse place à l’imaginaire, aux rites, aux mythes, aux croyances. Une belle échappée dans cette allée des allégories, un jardin peuplé d’objets doués d’une vie propre et que l’on imagine s’animer dès qu’on les a quittés.


Sonia D’alto Nero Magazin,
ALLEGORICAL SURVIVAL, ON BEATRICE CELLI’S ANCESTRAL IMAGINARY 17.01.2022

In le jardin des allégories, the Passage des fou- gères [Fern Pathway] finds itself transfigured by Italian artist Beatrice Celli (Villa Arson class of 2019) into a place for dreaming and collectively imagining, inspired by the history of the garden; a landscape of symbols, created by the means of a rudimentary practice inclu- ding salvaging, calling forth both classicism and folklore. Her metaphorical garden is con- ceived as an initiatory passage, strewn with a memento mori garland, a fountain decorated with a fantastical bestiary and a pavilion de- signed as a cosmic confessional. The Garden of Allegories is an invented locus amoenus, an invitation to cultivate the singular world hid- den deep inside us.

“To listen to the whispers of the trees and
the dispossessed, the echoes of grandmothers’ ta– les
and what we already know
in the deep, dark, stanchion place from
which intuition rises; the hold of the story,
the bag of stars, the spell, the dream, the crucible
of our awakening.”

A syncretic alliance of creatures, stories, le- gends, materials and hybrid knowledge is ar- ticulated in Le Jardin des allégories, Beatrice Celli’s solo exhibition at the Centre of Con- temporary Art Villa Arson in Nice, curated by Éric Mangion. The artist reflects within the Passage des Fougères on beliefs and super- stitions grafted in remote and rural contexts, opening a gap in a subaltern time and a dream space. In this space, matter “is not separated from the world by well-defined boundaries; it is mixed with the world, with animals, with objects. It is a cosmic dimension, representing the entire corporeal material world in all its elements.”

Tracing a polyphony of survivals, Celli draws on the tradition of the iconography of the allegorical garden to transpose it into the wild, into an ambiguous and contradictory space that goes beyond the bipolar division between domestic and wild, where reversals, transformations and multi-sensorial states are or- dinary manifestations.

The correspondences between signified and signifier, what has conventionally been called classicism, the symbolism of a culture stratified by violence, are pre- sented in a state of perturbed grace, agitated by the motions and impulse of a community’s (in)consciousness. The irrational emerges to reveal alternative worlds and visions. In fact, in her practice the artist questions collective imagination, as the reanimation of magical beliefs and the possibility of a different relationship with the environment/landscape.

The preciousness of the encounter and the value of existence as well as its emanations are manifested in her interest in mysterious gestures and practices, which may be considered as non-canonical for modern society, when they are (im)possible escapes from defined orders, whispers of reason that admit the existing and then forgotten relationship between matter and spirit—attention towards an unconscious knowledge of daily transformations and wonders. They are also the ghosts of a different economy that return with their spells of “de- sire-power-miracle”—imagination and salvific action on reality. The works in the exhibition present themselves as a technology of spiritual transmission that open to interdependent dialogues, exorcising fears and recalling a vanishing commons. “The technique for having visions, for seeing ghosts, is in truth a technique for being seen by ghosts.”

From the chromatic background of the mint green walls—a very common color in the Ba- roque era, in the Provençal imagery and on the external walls of traditional Lithuanian houses—which flows into the visual and interstitial landscape in front of the garden, multiple combinations follow one another, constellations of collaborations, frayed dreams, principles of vi- sions. The recovery of artisanal values and the overturning of myths merge in an operation of listening and reciprocity that empathically and fruitfully absorbs the multiple possibili- ties of cultural contaminations, rendered in a brute, spontaneous, rustic, folkloric aesthetic. The artist undoes each of these categories, by remixing, re-modulating and letting them live their own life, according to an animist vision and a cosmic hospitality. In this way she re- nounces a linear and uniform time that belon- gs to the modern society of control. She also avoids falling into the paradox identified by the ethnographer Ernesto De Martino of applying Western and ethnographic categories to “alien” cultures. Celli dissolves this paradox by using an intuitive approach that embraces the conditions of the unconscious of social life in a timeless manner. This way, each work is presented as a storytelling to recover and reinterpret sensitive traditions and knowled- ge. Perhaps there is an inevitable connection between craft making and storytelling, just as storytelling might be fundamental to orga- nizing and promoting cooperation in human evolution.

Like a narrator, the artist collects the voices and oral testimonies of both her land—Abruz- zo—and Lithuania—where she has spent some time lately for a residency—to give them back as a pleasant place, an initiatory garden whe- re to propose, through matter, a new order of values and social ties, where “the pleasure of transmission is integrated with the contem- plation of nature.” A perspective that contem- plates a peaceful relationship between matter, body and reason. The narrative is transposed into the landscape of an entire community, in the writing of a language composed of voices and legends. This narrative begins with Beffa Notturna, a wooden sculpture that formally re- produces an owl perched on a branch, adorned with streamers. The initiatory moment begins with the presence of a bird usually associated with bad luck, whose material, an olive tree log that the artist has saved from her fireplace, also leads back to the ancestors.

According to a legend of her village they manifest themselves in the form of an owl. Fear and anguish coexist festively through the life that feeds on the ancestors’ memory. The Fountain of Smaragos is a ceramic work that evokes one of the five demons that, in Greek mythology, afflicted the artisan potter. Produced in Shanghai, it is a drawing with a chimerical nature where the myth of classical antiquity is also associated with medieval he- raldry, in a multiplicity of interpretations: the flowing water, among other things, symboli- ses a pouring out of the body and hierarchies. The garland Giurlanna Berlocco is a memento mori with vegetable elements recovered from the woods, together with fake plants made by Celli with fabric of canvases created during her early years at the Academy of Urbino, and bone ashes, organic and inorganic material.

The re- sult is a material reflection between reality and fiction. The apotropaic mask Mezz’Marill is a wicker sculpture that evokes the creatures that inhabit the forest. Its realisation took place in collaboration with her grandmother, who as a woman could not practice this technique but only observe it, and who nevertheless guided the artist in its realisation. A series of ceramic bells in pastel colours, with a texture referring to the violence of animal sacrifices, disarticulates a bewitched and deviant temporality.

In the same section of space is Lunatic Pavi- lion, a wooden confessional that echoes the tradition of the domestic totems typical of many Lithuanian homes, whose vernacular shape and decoration covered in satin, copper votive offerings and adorned with peacock fe- athers, interior is sprinkled with earth, testi- fies how beliefs also define form. Folklore is enriched over time, expressing the presence of things that are disappearing. Sive mas sive foemina (let it be male or let it be female) is a ceramic work representing the homo selva- ticus who according to a legend lives in the forest, and his life led in close relation to na- ture gives him a special intelligence. The title of the work refers to the magic formula used by the Romans to attract the Genius Loci, an entity considered to be of neutral gender.

The work presents a tribal and eclectic aesthetic, with references to medieval but also primitive culture: a sort of shaman who, crossing a time portal, insists on a disjointed condition. The reactivation of ancient beliefs and ancestral knowledge is present in the work Grascia Cor- na, an installation composed of a wall of li- chens, cornucopias covered by mosses and full of copper coins from which the whispers and litanies of magic and healing formulas recor- ded by forms of Lithuanian popular witchcraft come out. The work was made for a collecti- ve performance previously presented in the garden of the Devil’s Museum, in Kaunas, Lithuania. On that occasion Celli had organized a ritual of invocation to the devil that consisted in burying some coins in the ground and in the choral repetition by the public of the phrase coming from an old local belief “Devil Devil come to the money, Devil Devil here’s the money!”

Following the suggestion of Éric Mangion, curator of the exhibition, who had asked the artist to think about the spirit of the place, Celli has remodelled the Brutalist architecture and the garden of Villa Arson. In the garden that the artist has created, a landscape opens up where there is no longer any difference between subject and object, between environment and matter. A syncretic convocation and evocation of local spirits crosses time and space to reappear from modernist expropriation as allegorical survivals.

Philippe Cyroulnik – from the exhibition “Tuer le soleil contre moi” Diplômés 2019 – Villa Arson – Nice

Beatrice Celli s’inspire de la culture populaire et mystique de sa région, les Abruzzes au Sud de l’Italie.
Elle réinscrit dans ses sculptures et objets des éléments de culture vernaculaire et populaire occultés par la culture et le langage dominant. Elle pratique dans son art un syncrétisme lui permettant d’articuler éléments de rituels, folklore, savoir-faire traditionnels, objets votifs et symboliques, dispositifs contemporains, fiction et allégorie. Une poétique où l’anthropologe et la culture sont sollicités au profit d’une cosmogonie personnelle. Elle lui permet de mettre en oeuvre une dynamique réactivant une histoire à la fois individuelle et collective, avec sa violence et sa force symbolique.

Barbara Siriex – from the exhibition “Tuer le soleil contre moi” Diplômés 2019 – Villa Arson – Nice

Le travail de Beatrice Celli s’inspire de la culture populaire et mystique de Castelli son village dans les Abruzzes au Sud de l’Italie. La perspective depuis un pays étranger permet un autre point de vue, la possibilité d’une distance critique tout en étant intimement connecté à l’expérience affective de l’éloignement. Le paysage culturel des Abruzzes est aujourd’hui très fragmenté, subissant encore les séquelles des séismes de 2009, aggravés par des épisodes de tremblements récents. Beaucoup d’habitations ont été détruites ainsi qu’une part importante du patrimoine architectural. La corruption et une inertie bureaucratique n’ont jamais permis une avancée réelle de la reconstruction. La conséquence est la désertion des villages et avec elle la déperdition des cultures vernaculaires. Elle a ainsi revitalisé un rituel local contre le mauvais œil à partir des textes de l’anthropologue anglaise Estella Canziani (1887- 1931), fille d’un immigré italien et artiste, une perspective similaire à la sienne.

Jouant avec la perspective de l’anthropologue, elle a fait performer différents gestes en perte d’usage liés à la sorcellerie dans un espace d’exposition : Compter les poils d’un balai, trier des grains, planter un couteau dans un mur. Dans son installation Festa Macabracadabra, en cherchant à recréer l’atmosphère d’une fête de son village, elle a créé un rituel fictif où le spectateur prend la position d’un anthropologue devant décrypter la signification et les usages d’éléments votifs. Certains éléments appellent au folklore : on arrive par exemple à imaginer un arbre votif dans son installation de branches couvertes de rubans terminés par des lames de cutter ou encore des possibles poupées vaudous. Le folklore fictionnel est habité par une grande violence, comme la présence sourde d’un trauma. Une dynamique active de réparation d’une histoire à la fois individuelle et collective se met en place notamment à travers sa relation ambiguë à l’anthropologie.